Conrad Gessner

Vitrail aux armes de Conrad Gessner - Heinrich Bullinger et Georg Keller
Le bon Samaritain
Date: 1561 – Artiste anonyme
Paris - Musée du Louvre – Salle Charles Quint
Aile Richelieu - Premier étage - Section 24
Région en relation: Zurich (Suisse) - Acquisition: achat (1825)
Ce vitrail de l'école de Zurich figurait dans la Collection Edme Durand.

Conrad Gessner (aussi connu sous le nom de Konrad von Gesner, Conradus Gesnerus), né le 26 mars 1516 à Zurich et mort le 13 décembre 1565 à Zurich, est un naturaliste suisse.

L'esprit de la Renaissance

Issu d'un milieu très modeste, son père est fourreur et tanneur. Gessner devient orphelin de bonne heure car son père est tué durant la bataille de Zug. La famille se disperse et Gessner part vivre avec un oncle qui lui donne l'amour de la littérature et de la botanique. Soutenu financièrement par son tuteur, Oswald Myconius (1488-1552), il mène une vite itinérante et étudie à Zurich et à Bâle mais aussi à Strasbourg, Paris et Montpellier (où il passe deux ans). En 1541, il obtient le grade de docteur en médecine; sa thèse porte sur la détermination du siège des émotions et des sensations, à savoir le cœur ou le cerveau, Gessner optant pour le second.

Il est ennobli par l'empereur Ferdinand Ier et, en 1557, est nommé professeur de philosophie naturelle à Zurich.

Il fait de nombreux voyages naturalistes et est l'un des premiers à s'intéresser à la flore et aux minéraux alpins. On le considère parfois comme l'un des initiateurs de l'alpinisme.

Ses œuvres montrent l'étendue de ses connaissances et de ses centres d'intérêts. Il écrit sur la linguistique, la philologie, la pharmacopée et la médecine, la bibliographie, la minéralogie, la zoologie et la botanique.

En 1564, une épidémie, souvent décrite comme étant de peste, éclate dans sa ville. Conrad Gessner en est atteint après avoir soigné des malades. Il meurt l'année suivante.

L'œuvre de Gessner va inspirer de nombreux autres auteurs, avec lesquels il est en correspondance, notamment Ulisse Aldrovandi. Il marque l'une des plus importantes étapes de la naissance de la science européenne. Hermann Boerhaave le désigne comme un prodige d'érudition (monstrum eruditionis) et Joseph Pitton de Tournefort comme le père de toute l'histoire naturelle.

La fondation de la recherche bibliographique

Comme bien d'autres avant lui, il compile les auteurs qu'il connaît, tant de son époque que de l'antiquité mais aussi les auteurs arabes et hébreux. Mais il n'est pas qu'un simple compilateur. Il critique ces sources et ajoute de nombreux détails tirés de ses propres observations. Il publie en 1545, Bibliotheca universalis sive catalogus omnium scriptorum locupletissimus in tribus linguis Latina, Graeca et Hebraica, une vaste bibliographie de 1 264 pages où il présente 1 800 auteurs et leurs œuvres. Gessner peut être considéré comme le fondateur de la recherche bibliographique.

La philologie

Il fait paraître, en 1555, les 21 volumes de ses Mithridates. De differentiis linguarum tum veterum, tum quae hodie apud diversas nationes in toto orbe terrarum usu sunt, Conradi Gesneri Tigurini Observationes. Cette œuvre est considérée comme l'un des ouvrages fondateurs de la linguistique comparative et de la philologie moderne. Gessner y présente, suivant un ordre alphabétique, toutes les langues vivantes ou mortes qu'il connaît.

La zoologie

Son ouvrage le plus célèbre est son Historia animalium, qu'il commence à publier en 1551. Le dernier volume, posthume, paraîtra 22 ans après sa mort. Il s'agit certainement du plus important ouvrage de zoologie qui fut jamais publié, c'est pour cette raison qu'il fut surnommé le « Pline suisse ». Même si son ouvrage suit encore l'ordre alphabétique, il propose une embryonnaire taxinomie et emploie une appellation latine de deux mots, le premier, le genre suivi d'un qualificatif, système qui sera plus tard suivi par d'autres naturalistes comme Rudolf Camerarius et surtout Carl von Linné. Pour Georges Cuvier, il est le premier zoologiste des temps modernes et sera souvent copié par ses successeurs.

Dans cette Histoire des animaux, œuvre immense de 3 500 pages, chaque espèce est décrite suivant huit chapitres. Gessner donne son nom dans différentes langues (vivantes ou mortes), son habitat et son origine ainsi que sa description anatomique, sa physiologie, les qualités de son âme, les divers usages que l'on peut en tirer, son intérêt alimentaire et médicale, ainsi que son utilisation par les poètes et les philosophes...

Il regroupe les animaux en plusieurs groupes: les animaux quadrupèdes vivipares et ovipares, les oiseaux, les poissons de mer, les poissons d'eaux douces et tous les animaux qui ne sont pas cités par ailleurs (et parmi lesquels on trouve des poissons, les crustacés, les testacés, les insectes, les amphibiens, ainsi que l'hippopotame, la loutre, le castor). Il faut noter que la partie sur les poissons est tirée des travaux de deux de ses contemporains: Guillaume Rondelet (dont il a suivi les cours à Montpellier) et Pierre Belon.

Sa classification ne repose pas sur une base très solide et reprend, pour l'essentiel les catégories populaires. Gessner est probablement conscient de son impossibilité à établir une classification cohérente et opte pour un ordre alphabétique.

Ses descriptions zoologiques (ou botaniques) sont complétées aussi souvent que possible par des illustrations. Celles-ci constitue peut-être l'aspect le plus original de son œuvre. Elles jouent un rôle fondamentale dans la reconnaissance des espèces citées. Il rassemble 1.500 gravures, la plupart originales et signées par Lukas Schan, les autres proviennent surtout de l'œuvre de Leonhart Fuchs. Mais la mort soudaine de Gessner l'empêche de publier son Historia. Il confie à son ami Kaspar Wolf le soin de la faire paraître. Wolf peut publier certaines illustrations mais finit par vendre le tout à Joachim Camerarius le Jeune qui utilise ses gravures dans ses propres travaux. Bon nombre d'entre elles sont perdues, d'autres ont été retrouvées dans la bibliothèque de l'université d'Erlangen.

Il mentionne aussi des animaux fabuleux comme la licorne, des monstres marins, l'hydre à sept têtes. Ceux-ci étant signalés par les auteurs anciens, Gessner ne les remet pas entièrement en doute. Ce n'est que peu à peu, que les naturalistes vont mettre en doute l'existence de ces créatures mythiques.

L'ornithologie

Le troisième volume, de 779 pages, d'Historiae animalium est consacré aux Oiseaux. Il paraît d'abord en latin en 1555 et est traduit en allemand en 1557. Gessner avait le projet d'en réaliser une version française mais sa mort précoce ne lui en laisse pas le temps.

Contrairement à l'ouvrage de Pierre Belon, Gessner classe les espèces qu'il décrit de façon alphabétique. Même s'il cite abondamment les auteurs classiques, il montre, par ses références personnelles, qu'il a observé lui-même ses animaux dans la nature. À l'occasion, il rectifie même des erreurs passées. Ainsi il corrige Aristote lorsque celui affirme que le rouge-gorge et le rossignol ne sont que deux formes saisonnières (l'une hivernale, l'autre estivale) du même oiseau. Son livre, cependant, contient encore de nombreux faits erronés (le rossignol se tiendrait ainsi caché tout l'hiver). Il présente aussi quelques espèces relevant de légendes.

Il distingue ainsi fort bien les différentes espèces de merles: le merle noir (Turdus merula), le merle à plastron (Turdus torquatus), la grive litorne (Turdus pilaris)... Mais il bute sur la reconnaissance de nombreuses autres.

Gessner distingue 217 espèces d'oiseaux, chacune illustrée par une gravure sur bois. Il décrit l'apparence externe, l'anatomie, la distribution, le comportement, son usage dans la littérature ou sa place dans la mythologie.

La botanique

L'intérêt de Gessner pour la botanique est véritablement scientifique. L'étude de sa correspondance montre qu'il décrit, pour la première fois, des espèces de plantes qui ont été attribuées depuis à Charles de l'Écluse, Gaspard Bauhin ou bien d'autres. Même si taxinomie n'est pas très rigoureuse, Gessner tente de rassembler les plantes en fonction de leur ressemblance aussi souvent que possible, même s'il doit aller à l'encontre des usages de son époque. Mais comme pour les animaux, sa classification manque de rigueur faute de déterminer avec précision les notions d'espèce et de genre.

Son œuvre est réédité très souvent après sa mort et connaîtra une foule de versions et d'adaptations. Pendant deux cents ans, elle constituera la base de toute bibliothèque d'histoire naturelle.

Dictionnaire historique
de la médecine ancienne et moderne

par Nicolas François Joseph Eloy
Mons – 1778








Dictionnaire encyclopédique
des sciences médicales
1864-1888